9 nov. 2015

De l'envie au projet

        Eh oui, "faire un break" demande tout de même un peu de préparation : se payer du bon temps n'est malheureusement pas donné... Et en tant que jeune diplômé (ingénieur télécoms) européen, vivant plus ou moins à crédit depuis mon passage à la moto, et n'ayant jusqu'alors jamais fait de road trip de plus d'un week-end, la tâche s'annonçait passablement ardue !
(Votre serviteur)

        Le premier pas vers la solution s'est présenté sous la forme d'une opportunité d'emploi en Argentine, un CDI en contrat local - salaire en pesos & 2 semaines de vacances par an - qui m'a permis de partir vivre et prendre la température sur ce nouveau continent. 
Travaillant à ce moment chez Thales Alenia Space (TAS) en tant que prestataire de services (SSIIs diverses en 3-4 ans sur place), je suis rencardé au printemps 2011 par mon responsable Eric (merci à toi !) qu'une équipe d'argentins venus discuter le bout de gras recherche par ailleurs un français connaissant les méthodes de TAS pour venir renforcer leurs rangs dans un projet de construction de satellites. Quelques entretiens par mail et téléphone plus tard, et après un aller-retour pour se rencontrer à Buenos Aires en septembre, je suis embauché fin 2011 par la société Arsat pour participer à la mise en oeuvre du programme national de développement télécoms "Argentina Conectada", plus précisément en ce qui me concerne par le suivi de production de la charge utile des deux premiers satellites en tant qu'ingénieur Radio-Fréquences.

(Les projets Arsat-1 & Arsat-2)

(La station sol de Benavídez & le site Invap de Bariloche)

(La "charge utile" en salle blanche & le lanceur Ariane5 du vol VA220 : Fly baby, fly !)


        Un bon premier pas indéniablement, qui m’aura non seulement considérablement rapproché de la zone d’intérêt mais aussi donné le temps de développer mes maigres bases d’espagnol au-delà du baragouinage de touriste fraichement débarqué, un vrai plus pour profiter du voyage de façon moins superficielle. Pour être exact, il me faudrait d’ailleurs plutôt parler ici de "castellano", version très légèrement accommodée de la langue par les sud-américains et particulièrement par les porteñ@s (habitants de Buenos Aires). Six mois d’acclimatation assez éprouvants sur cet aspect, mais l’intégration résultante en vaut la peine, même s’il est finalement très difficile de perdre toute trace d’accent étranger et réellement passer pour un local : connaître un peu d’argot et être au parfum des actualités locales facilite grandement le contact !

(Un guide essentiel pour comprendre les porteñ@s !)


        Quoi qu’il en soit, il me restait encore à ce stade de sérieuses lacunes à combler avant de pouvoir prétendre à la grande vadrouille…
La station sol (centre de contrôle des satellites) comprenant les bureaux d’Arsat étant basée à Benavídez, dans la banlieue nord de Buenos Aires, et bien que j'ai eu la chance d'aller régulièrement à San Carlos de Bariloche dans le nord de la Patagonie où la société partenaire Invap procédait avec TAS à la fabrication et aux tests de ces satellites, mon espoir de pouvoir profiter de la relative proximité de quelques merveilles locales a vite été tempéré par le changement de références concernant les distances et le temps disponible...
Pour aider à se représenter la chose, il faut d'abord visualiser que la distance entre les pointes nord et sud de l'Argentine (des 23°S du tropique du Capricorne à Jujuy jusqu'aux 55°S d'Ushuaia) équivaut à celle joignant les côtes est & ouest des Etats-Unis, ou encore couvrirait l'Europe du Maroc à la Scandinavie ! 
Difficile dans ces conditions de se déplacer autrement qu'en avion, sauf à passer la moitié de ses courtes vacances sur le trajet... Et c'est ainsi que je suis parti entre noël et nouvel an 2012 à la découverte des superbes glaciers d'El Calafate (dont le fameux Perito Moreno) et des envoutants alentours d'Ushuaia (liaison entre les deux en avion, 600 kms tout de même à vol d'oiseau et 870 par la route). Un accident de moto dans les premiers jours de 2013 et les 3 mois d'arrêt de travail associés ont ensuite passablement compliqué mes demandes de congés, et au final je n'aurais pris que 3 semaines sur les 7 générées en trois ans de demi de contrat... Juste de quoi aller visiter (en avion, 1.300 kms depuis BsAs) les impressionnantes cataratas de Iguazú en aout 2013 et caler 10 jours de vadrouille (en avion) fin 2014 avec mon père venu me rendre visite.
De courtes escapades qui m’auront quand même permis de prendre la mesure de la fraicheur estivale en Terre de Feu et de la douceur hivernale dans la jungle du nord du pays.

(El Calafate - Perito Moreno & Glaciar tour)

(Ushuaia - Canal Beagle)

(Iguazú - Lado Argentino & Garganta del Diablo)

(Iguazú - Lado Brasileiro)

(Bodegas mendocinas & mi padre en el mirador del Aconcagua)


        Le dernier vrai obstacle au voyage restait mon engagement à rembourser quelques crédits en France : un vrai cauchemar en raison de l’interdiction d’acheter des devises étrangères mise en place juste au moment de mon arrivée par le gouvernement argentin pour tenter de contenir la fuite des capitaux et l’envolée du dollar parallèle… Je vous passe les détails des diverses solutions improvisées, mais j’ai fini par en venir à bout et finalement réussi sur le temps de cette mission (2 satellites) à me constituer une épargne suffisante pour se lancer à larguer les amarres. :)
Bonus non-prévu au départ, ces 3 ans passés à renouveler mon visa de travail m’ont aussi donné accès à la résidence permanente argentine, ce qui simplifie nettement les opérations administratives et passages de frontières pour les pays du Mercosur.
Et c’est ainsi que mi-2015, après avoir terminé les essais au sol d’Arsat-2 (je prévoyais de rester jusqu’au lancement & tests en orbite mais il a été retardé et j’étais contraint par la saison des pluies), j’ai pu poser ma démission et embrayer sur ce fabuleux voyage que je préparais alors activement depuis près de deux ans.

        Au final, il m’aura donc fallu quatre années pour effectuer la transition du résident européen endetté au résident sud-américain libre de tout engagement… Une expérience riche en apprentissage à m’immerger progressivement dans la culture de cet étonnant pays qu’est l’Argentine, quelque part lui-même une zone de transition entre l’influence occidentale plus présente ici et les pays plus andins du reste de mon parcours.

(Asado en la terraza del amigo Tano. Salud !)

1 commentaire:

  1. "De l'envie au projet",
    Alors tes prochains articles c'est "Du projet à la vie" ...
    :)
    T'en as assez chié ma couille! Vas y plein pot!

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